La peur de mourir.
Le Bouddha disait que l'on ne commence réellement à méditer que lorsque vient la peur de la mort.
Lorsque que par des pratiques spirituelles, nous lâchons prise sur tous ces objets censés nous apporter le bonheur, lorsque nous portons notre regard vers l’intérieur, vers ce qui perçoit et non pas ce qui est perçu, il peut arriver que surgisse de façon très impromptue, une angoisse plus ou moins forte.
A propos de cette peur, je la ressens,( et je ne parle là qu’en mon nom) dans un premier temps commet un voile sombre et épais, parfois terrifiant.
Il laisse l’impression de ne s’ouvrir que sur la mort, l’anéantissement. Mais qu’y a-t-il en réalité derrière ce que nous vivons comme étant notre propre fin ?
Cette apparente barrière avant la grâce ne pointe que la disparition de nos certitudes, de notre identité, de notre dur besoin d’exister, à tout prix.
Elle nous ouvre sur notre propre impuissance, celles de nos projets, de toute maitrise.
Lorsque cela arrive, je suis pris dans mon désenchantement ; En effet, je suis en quête de félicité, mais ne vient que l’angoisse. Encore un lâcher prise à accepter, encore un abandon à vivre. Pour ma part, seule une relation d’amour avec le Soi peut rendre possible cet abandon, cette traversée du « chas de l’aiguille »
Des années à ancrer en soi l’idée que nous sommes une personne, qu’il nous faut lutter pour vivre, et même pour s’éveiller. Tous les maîtres disent pourtant qu’il n’y a rien à faire, sauf peut être arrêter cette lutte constante pour entretenir notre illusion.
« Il est plus facile de s’éveiller que de regarder une groseille dans le creux de sa main » disait Ramana Maharishi.
Quel est l’avenir d’une illusion ? Il n’y a rien d’autre, au-delà de sa propre fin.
Seul ce qui est réel reste, seul ce qui est vrai s’impose dans toute sa transparence, sa simplicité et son évidence.
C’est, je crois, ce que le voile de la peur nous révèle en fait : l’écroulement de toutes nos identifications et attachements.
E.S
Voici deux entretiens de Francis Lucille à ce propos:
Francis Lucille, après des études scientifiques, découvre la sagesse orientale à travers les textes védantiques et bouddhistes. Cette découverte déclenche en lui une profonde quête d'identité qui trouve sa résolution après sa rencontre avec Jean Klein, son maître spirituel en 1975. Il partage aujourd'hui son expérience avec les chercheurs spirituels qui viennent le rencontrer.
Voici la réponse de Francis à propos de cette peur, dernier rampart avant l'éveil.
Question :
Cher Francis,
Récemment, après un difficile conflit intérieur, une question s’est soudainement imposée à moi : « Comment puis-je vérifier dès maintenant si je suis mon corps, mon mental ou autre chose ? ».
N’ayant trouvé aucun moyen de vérifier ce que je suis ou qui je suis, j’en avais conclu que ce que je suis n'est pas un objet. Et à cet instant même j'ai ressenti une peur absolue. Il m’a semblé
devenir fou. Ce fut tout sauf une expérience de félicité. Ce néant un instant entrevu n'est pas cette éternité heureuse dont j'avais rêvé. Ma peur fut telle qu’elle ramena immédiatement la
conviction d’être ce corps et cette personnalité. Mais mon seul désir est celui de la Vérité, d’où ma question : comment dépasser cette peur absolue ? L’illumination est-elle toujours aussi
brutale et effrayante ?
Réponse :
Cher Nick,
Ce qui voile la douce et heureuse éternité que nous sommes est notre identification aux objets, c'est-à-dire aux concepts, sensations corporelles et perceptions sensorielles. L'expérience que
vous décrivez vous a amené à conclure que votre être profond n'est pas un objet, ce qui vous a potentiellement libéré de votre identification à des concepts. Toutefois seule une moitié du voile a
été ainsi retirée. La partie restante, principalement formée de sensations corporelles auxquelles nous nous identifions, et qui constitue le noyau de notre peur existentielle, de notre peur d’une
disparition absolue de la conscience, est venue au secours de l’ignorance dès lors menacée par votre investigation.
L'investigation de la nature du Soi procède selon deux axes principaux :
1 - Que suis-je au niveau des pensées ?
2 - Que suis-je au niveau du corps ?
Le premier axe d’investigation est fait de pensées rationnelles qui procèdent à la déconstruction des systèmes de croyance associés à l'ignorance. Le second axe est constitué de sensations
corporelles (parfois associées à des perceptions sensorielles et à des images irrationnelles) qui correspondent à la dissolution de réseaux de sensations dont le but est de simuler la présence
d'une entité séparée. Le barrage de peur rencontré à ce niveau provoqua dans votre cas une rechute dans l’ignorance, une base qui vous sembla plus sûre, mais vous ne sauriez y trouver la sécurité
à laquelle vous aspirez. Seule la Vérité peut vous procurer la paix recherchée.
Cela nous conduit à vos deux questions :
1 – « Comment puis-je dépasser cette peur absolue ? »
En accueillant ce néant avec détermination et courage, de préférence avec l'aide d'un instructeur sciemment établi dans l'absence de peur, dans la Présence Infinie.
2 – « Est-ce que l'illumination est toujours aussi brutale et effrayante ? »
Ce que vous avez décrit n'est pas l'illumination, mais le rugissement des lions qui gardent la porte qui vous y mène. Ils sont là pour éprouver votre amour de la Vérité. Si vous les affrontez
avec courage et un désir ardent pour l'Absolu, ils vous ouvriront avec un doux sourire la porte du jardin d’Eden.
Bien amicalement,
Dans les dialogues: Une tornade de liberté Francis Lucille réaborde la "barrière de la peur" dernière et dure étape qui nous ancre dans un sentiment de dualité.
Comment puis-je surmonter ma peur de voir la vérité, qui, je le sens, est un obstacle qui m'empêche de connaître ma véritable nature?
En premier lieu, soyez heureux de vous rendre compte de cette peur viscérale, car la plupart des humains la refoulent et l'évitent. Dès qu'elle montre le bout de l'oreille dans un moment de solitude ou d'inactivité, ils allument la télévision, vont voir un ami ou se lancent dans une quelconque activité compensatrice. Découvrir votre peur était donc un premier pas crucial.
Je ne sais pas si je l'ai découverte, ma perception n'est pas claire. Peut-être sens-je simplement sa présence.
Vivez avec elle, intéressez-vous à elle, ne la refoulez pas. Adoptez à son égard un "laisser-venir, laisser-partir" bienveillant. Prenez-la pour ce qu'elle est: un amalgame de pensées et de sensations corporelles. Demandez-vous: "Qui a peur?" et vous verrez la peur-pensée vous quitter, laissant encore au niveau somatique des résidus d'anxiété localisés, la peur-sensation. Tout cela n'est au fond qu'un spectacle dont vous êtes le spectateur. Contemplez-le, et contemplez aussi vos propres réactions, vos fuites, vos refus, qui en font également partie. La prise de conscience de votre refus est le début de l'acceptation, du laisser-venir. De cette manière vous prenez la position du contemplateur qui est votre position naturelle.
Alors tout se déploie spontanément. La peur est votre ego, le monstre que vous charriez dans vos pensées et vos sensations corporelles, l'usurpateur qui vous tient à l'écart du royaume bienheureux qui est le vôtre. Laissez-la se montrer en totalité. N'ayez pas peur d'elle, même si ses traits son terrifiants. Puisez dans votre soif d'absolu et de liberté le courage de la regarder. Quand vous commencez à la sentir, pensez: "Viens, peur, montre-toi! Prends bien tes aises, car je suis hors de ton atteinte!" L'efficacité de cette méthode provient du fait que la peur est une chose perçue, donc limitée. Le plus long serpent du monde finit bien quelque part. Une fois qu'il est entièrement sorti des hautes herbes, qu'il est vu en totalité, vous êtes hors de danger, car il ne peut plus vous attaquer par surprise. De même, quand vous voyez en face de vous la totalité de votre peur, quand il ne reste rien d'elle qui vous soit caché, il n'est rien de vous qui puisse s'identifier à elle. Elle est un objet "décollé" de vous. Le cordon ombilical d'ignorance par lequel vous nourrissiez l'ego ne fonctionne plus. Ce moi fantôme, n'étant plus alimenté, ne peut plus se maintenir; il se meurt alors dans l'explosion de votre liberté éternelle.