Projection et identification.

 

 

La projection et l'identification sont à mon sens deux mécanismes psychologiques qui contribuent à créer notre monde.

Ce qui Est, le Soi, dans son évidente présence, rayonnant et ouvert, prends alors les contours et les détours de nos peurs et de nos désirs. La réalité reflête les couleurs de notre regard et se perd dans des mécanismes  visant toujours à nous protéger de nos peurs fondamentales.

 

La projection:

Les Védas parlent de la corde que l'on confond avec un serpent.

 

Il n'est que la corde, mais nous l'investissons, nous l'habitons de notre peur du serpent. Nous y plaçons nos propres sentiments.

 

A l'opposé de la peur, nous projetons aussi nos désirs, sur l'autre à qui l'on attribue le pouvoir de nous satisfaire, de nous combler.


La psychanalyse évoque évoque le fait que l'on prenne un point ou une petite ombre sur la peau pour  un grain de beauté.

Cette confusion est la projection  de notre désir, sur le corps de l'autre, un sourire ou une courbe .....


L'identification:


L'identification est ce par quoi nous nous transformons, nous devenons "autres"

Je m'identifie à mes proches ou ceux que j'admire, et assimile leurs traits, leurs comportements, qui au bout du compte seront les fondements de notre personnalité.

Autant de détours nécessaires un temps, celui de l'enfance sans doutes.

Mais derrières ces appropriations, qui suis je réellement,

 La question "qui suis-je" est au cœur de l'éveil de grands maîtres tels que Nisargadatta, ou Ramana Maharishi.

Si je ne suis pas que le fils ou le père, que l'ami ou le collègue, et que j'ose un jour savoir qui est sous le masque de ces personnages, il me faut alors lâcher prise.

 

La première des identifications est celle au corps physique, ce par quoi le monde est vu.

La deuxième est l'identification au mental, ce par quoi le monde est interprété.

 

Mais en fait, nous sommes simple et pure conscience. Et une fois que nous sortons de nos rêves,  l'être, la conscience et le bonheur (ânanda) se révèlent comme étant notre nature réelle.

 

 

 

 

 

La projection

La projection, par Jean Klein.(Transmettre la lumière, broché, le relié poche)

 

 

Pouvez-vous dire quelque chose à propos de tout ce que nous voyons comme une projection ?

Jean Klein : « Généralement nous pensons qu’un objet existe hors de nous-mêmes, qu’il a une existence indépendante, mais c’est seulement une croyance. Ce n’est basé ni sur une expérience ni sur un fait. Le prétendu objet qui serait à l’extérieur de nous a besoin de la conscience pour être perçu. La conscience et son objet ne font qu’un. C’est vous qui créez, projetez le monde d’instant en instant. Quand le corps s’éveille le matin, au même instant le monde s’éveille. Vous projetez le monde ; c’est bien vous qui créez le monde d’instant en instant.

Est-ce que vous voulez dire que l’action crée le monde tel que nous le voyons, de telle sorte que lorsque je m’éveille le matin et que je vois la chambre et ce qui s’y trouve, la chambre existe seulement quand je m’éveille ?

- D’abord, quand vous vous éveillez, vous ne voyez pas la chambre, vous ne voyez que votre mémoire. Vous voyez un angle du plafond et vous dites: «Je suis dans une chambre», mais c’est seulement la mémoire que vous projetez et que vous appelez chambre. Votre vision n’est que fragmentaire. Ce que vous nommez votre environnement est constitué par au moins 80% de mémoire. Quand votre écoute est globale, chaque instant est neuf, sinon il ne s’agit que de répétition. Aussi longtemps que durera le réflexe de vous prendre pour quelqu’un, vous ne verrez que des fragments, et le regard que vous porterez sur votre environnement ne pourra être que fragmentaire. C’est la vision fragmentaire qui crée un problème ; sinon il n’y a pas de problème. C’est vous seul qui créez le problème…

L'identification:

 

 

 

 

 

Nisargadatta: Entretien du 21 juin 1981 (Conscience et Absolu)

 

A propos de l'identification.

 

Maharaj : Toute image que vous avez de vous est fausse. Demeurez dans votre Soi, c’est la vraie connaissance. Essayez de comprendre toute cette connaissance que vous recueillez en ce moment. La soi-disant connaissance que vous glanez ailleurs ne s’occupe que de l’ignorance ; elle n’atteint pas le Soi, la vraie connaissance. Tout ce à quoi le mental aspire n’est pas la vraie connaissance. On ne peut pas facilement comprendre la vraie connaissance. Si j’avais eu l’expérience du « Je suis » auparavant, est-ce que j’aurais eu le désir d’entrer dans le sein de ma mère ? Avant d’entrer dans la matrice maternelle je ne me connaissais pas, il n’y avait pas « d’être moi ». Toute la soi-disant connaissance est corrompue par les mots, ce n’est que de l’ignorance. Vous, l’Absolu, vous observez l’état d’éveil, vous savez ce qu’est la conscience, ce qu’est l’état de sommeil ; donc vous n’êtes pas ça.

 

Des millions de gens ont passé, où pourrais-je être parmi eux ? Il n’y a aucune individualité reliée à aucune de ces formes, mais j’ai toujours été, et je suis toujours, le fonctionnement total. Sans moi, il n’y a pas de fonctionnement. Je suis le fonctionnement total, à chaque instant, il y a des millions d’années aussi bien que maintenant.

 

J’ai une vision claire de ce qui précède, et pourtant il faut accepter la souffrance physique, à cause de la conscience. La conscience a pour nom souffrance. Cette vie de souffrance touche à sa fin. Ce principe, quel qu’il soit, fait l’expérience de toutes les souffrances, quand il est mis avec le corps et la conscience ; en même temps, il sait qu’il vaut des millions de dollars, comme un tonneau d’or. Ce principe, qui a compris et qui a saisi ce que la souffrance et la conscience sont, vaut des millions. Je ne m’occupe pas de la spiritualité des masses. Ici, on ne va pas vous déverser la spiritualité du commun. Ce Vous Ultime ne peut jamais être perdu ; tout ce que vous avez pu perdre n’est que des mots. Ce Vous Ultime se sait et se sent être « Je suis » sans aucun mot. Ce « Je suis » amène la connaissance du monde. Vous n’êtes pas seul, vous faites partie intégrante de la connaissance du monde.

 

Le Jivatman (soi individuel) s’identifie au corps-esprit en tant qu’individu séparé du monde. L’Atman (le Soi) est seulement l’être, ou la conscience, qui est le monde. Le Principe Ultime qui connaît cet étant ne peut pas être nommé du tout. On ne peut pas l’approcher ou le conditionner avec des mots. C’est l’Etat Ultime.

 

Je ne veux pas de disciples soumis et humbles, je les veux forts, comme moi. Je ne produis pas des disciples, je produis des Gurus.

 

Je veux que votre remise en question personnelle soit radicale, totale, sans conditions.

 

Question : Comment me stabiliser dans ma prise de conscience ?

 

M : Vous savez que vous êtes. Ceci est en soi la prise de conscience. Si vous pensez que vous devez être conscient, vous entrez dans l’état d’expérience. Vous voulez faire l’expérience de quelque chose. Ne considérez pas votre corps-esprit comme étant vous. L’identification au corps-esprit, ça va pour la vie de tous les jours, mais quand vous devez vous comprendre, il ne faut pas comprendre qu’on est le corps-esprit. Vous avez la connaissance du « Je suis ». Cela en soi signifie que vous êtes.

 

La prise de conscience, c’est cet état où la conscience s’enfonce en elle-même.

 

Ce corps est l’expression du produit de la nourriture consommée. La matière est consommée sous forme de nourriture, et voilà le résultat. S’il y a de moins en moins de nourriture, le corps s’amaigrit, s’étiole. Vous n’êtes pas ça, votre image est autre. (Montrant le corps : ) ce n’est qu’une boîte à mangeaille. Pourquoi cette figure maigre ? Parce que l’apport de nourriture est réduit. Le corps-nourriture, vous n’êtes pas ça. L’état d’éveil, vous n’êtes pas ça. L’état de sommeil profond, vous n’êtes pas ça. Vous connaissez l’état d’éveil. Puisque vous connaissez l’état d’éveil, vous n’êtes pas l’état d’éveil. Vous connaissez l’état de sommeil profond, vous n’êtes donc pas l’état de sommeil profond.

 

Q : Je n’y comprends rien, je suis perdu.

 

M : Ce « vous » Ultime ne peut jamais être perdu. Tout ce que vous avez perdu, ce ne sont que des mots. Qui vous a dit que vous étiez perdu ? Vous savez que vous êtes, « Je suis ».

Dès que le sentiment « Je suis » apparaît, le monde aussi apparaît. « Vous êtes » n’est pas seul, dans l’isolement. Vous êtes une part intégrale de la connaissance du monde.

 

Dans la hiérarchie de la conscience il y a trois étapes :

 

Jivatman, c’est celui qui s’identifie au corps-esprit. Celui qui pense je suis un corps, une personne, un individu différent du monde. Il s’exclut et s’isole du monde comme une personne séparée, à cause de l’identification au corps et à l’esprit.

Vient ensuite l’être, ou la conscience, qui est le monde. « Je suis » signifie mon monde entier. Juste l’être et le monde. En même temps que l’être le monde est ressenti – c’est Atman.

Le Principe Ultime, qui sait que l’être ne peut avoir de nom. Aucun mot ne peut l’approcher ou le déterminer. C’est l’état Ultime.

J’explique cette hiérarchie avec des mots de tous les jours, par exemple : j’ai un petit fils (ça c’est jivatma). J’ai un fils, et je suis le grand-père. Le fils et le petit fils sont issus du grand-père.

Ces trois étapes, on ne peut pas les appeler de la connaissance. Le terme connaissance s’applique au niveau de l’être. Je vous ai transmis l’essence de mes enseignements.

 

A quoi êtes-vous identifié maintenant ? Vous êtes venu au monde avec quelle identité ? Vous voudriez quitter ce monde avec quelle identité ? Normalement les gens s’accrochent à l’identité corporelle, mais je l’ai jetée par-dessus bord – vous n’êtes pas le corps. Je vous demande : « Vous êtes quoi ? Quelle peut être votre identité, maintenant que vous n’êtes pas le corps ? ». Vous pouvez répondre ce que vous voulez, les mots seront toujours incorrects, ils seront faux.

 

Vous vous accrochez avec l’énergie du désespoir au corps-esprit, comme étant vous. Vous devez avoir la conviction inébranlable que vous n’êtes pas le corps-esprit, que vous n’êtes même pas la conscience dans l’être.

 

Faites une expérience sur vous. Vous observez un bâton ; est-ce que vous dites au bâton : « Je suis en train de t’observer » ?

 

Quand on est tout seul avec soi-même, rien n’est utile, aucun entretien n’est utile. Quand on se fond dans son identité véritable rien n’a plus d’importance, parce que rien n’est. Quand le « Je » s’affaisse, il ne reste plus que la prise de conscience directe.

 

 

 

Un extrait de "La conscience et le monde, de Jean Klein ( édition l'Originel)

 

 

Celui qui brûle de connaître sa vraie nature doit d'abord comprendre qu'il s'identifie par erreur aux objets : «je suis ceci», «je suis cela». Toute identification, tout état, est transitoire, par conséquent sans réalité. Identifier le «je » à ceci ou cela est la racine de l'ignorance. Demandez-vous ce qui est permanent au cours de toutes les phases de la vie. Vous découvrirez que la question : «qui suis-je?» n'a pas de réponse. Vous ne pouvez pas expérimenter ce qui est permanent dans une relation sujet/objet comme quelque chose de perceptible. Vous pouvez seulement formuler et expliquer ce que vous n'êtes pas. La continuité que fondamentalement vous êtes ne peut se traduire en mots ou se rationaliser. Être est non-duel, absolue présence sans éclipse, quelles que soient les circonstances.

 

Si nous considérons le connaisseur indépendamment du connu, il se révèle comme pur témoin. Quand connaissance et connaisseur ne font qu'un, il n'y a plus de place pour un témoin.

Toute imagination est irréelle, car basée sur la mémoire. Mais tout ce qui n'est pas anticipé, tout ce qui est inopiné, qui provoque la surprise, l'étonnement, provient de la réalité vivante. La recherche du plaisir naît de la souffrance, de la mémoire. Accueillez la vie comme elle se présente, ne mettez pas l'accent sur le monde mais changez votre attitude à son égard. Votre conception du monde, de la société, a sa source dans la croyance que vous êtes un ego séparé. Soyez votre totalité et le monde changera. Le monde n'est pas autre chose que vous. Le monde est en vous, la société commence avec VOUS.

Voici comment Francis Lucille, disciple de Jean Klein, évoque l'identification au corps:

Une tornade de liberté.   

 

http://nondualite.free.fr/c_flucille.htm

 

Comment puis-je percevoir sensoriellement que je ne suis pas le corps?

 

Nous éprouvons tous des moments de bonheur qui s'accompagnent d'une perception d'expansion et de relaxation. Avant cette perception corporelle nous nous trouvions dans une expérience intemporelle, une joie sans cause et sans mélange, dont la sensation physique n'est que le contre-coup ultérieur. Cette joie se perçoit elle-même. A ce moment, nous n'étions pas un corps limité dans l'espace, nous n'étions pas une personne. Nous nous connaissions nous-même dans l'immédiateté de l'instant. Nous connaissons tous cette félicité sans cause. Quand nous explorons en profondeur ce que nous appelons notre corps, nous découvrons que sa substance même est cette joie. Alors nous n'avons plus le besoin, ni le goût, ni même la possibilité de chercher le bonheur dans les objets extérieurs.

 

Comment accomplir cette exploration en profondeur?

 

Ne refusez pas les sensations corporelles et les émotions qui se présentent à vous. Laissez-les s'épanouir complètement dans votre vigilance sans but, sans aucune interférence de la volonté. Progressivement, l'énergie potentielle emprisonnée dans les tensions musculaires se libère, le dynamisme de la structure psycho-somatique s'épuise, et le retour vers la stabilité fondamentale s'effectue. Cette purification de la sensation corporelle est un grand art. Elle requiert patience, détermination et courage. Elle se traduit au niveau de la sensation par une expansion graduelle du corps dans l'espace environnant et une pénétration concommitante de la structure somatique par cet espace. Cet espace n'est pas vécu comme une simple absence d'objet. Quand l'attention se libère des perceptions qui la fascinaient, elle se découvre elle-même comme cet espace auto-lumineux qui est la véritable substance corporelle. A ce moment la dualité entre le corps et cet espace s'abolit. Le corps s'est dilaté à la mesure de l'univers et contient en son sein toutes les choses tangibles et intangibles. Rien ne lui est extérieur. Nous avons tous ce corps de joie, ce corps d'éveil, ce corps d'accueil universel. Nous sommes tous complets, sans aucune pièce manquante. Explorez seulement votre royaume et prenez-en possession sciemment. Ne vivez plus dans cette hutte misérable qu'est un corps limité.